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Twitter bientôt indispensable en affaires

septembre 3, 2008

J’ai eu le malheur récemment de m’inscrire à Twitter après avoir tâté LinkedIn, laissé à l’état de bordel total mon compte Delic.io.us (que je ne vous montrerai donc pas) et quand même pris le temps d’entrer la presque totalité de ma blogoliste et de mes « plus meilleurs » favoris dans Netvibes (où je ne vous inviterai pas tout de suite) et m’être entretenu assez fidèlement avec ma gang dans Facebook. Que voulez-vous, ça fait cinq mois à peine que je suis apparu dans les médias sociaux après avoir collaboré un mois au blogue de Michelle Blanc.

C’est en écoutant mes collègues de Yulbiz que j’ai décidé d’ajouter graduellement des outils à mon arsenal parce je comprends très bien l’argument à l’effet qu’ils se renforcent les uns les autres. On peut notamment drainer du trafic influent sur un blogue à partir de Twitter. Mais voilà, essayer de suivre une gang de 20 ans plus jeune que soi en moyenne donne forcément des résultats moins instantanés qu’ils le disent même si ce n’est pas sorcier. Il faut aussi gagner sa croûte.

Je tire de mon expérience sur Twitter la conclusion qu’il s’agit du réseau social le plus prometteur en affaires. J’ai apprivoisé Facebook en premier parce que cette plate-forme incarne encore le meilleur carrefour intergénérationnel où l’on peut rejoindre aussi bien des contacts professionnels que les membres de sa famille. Je m’attends à conserver cet abonnement où j’irai de moins en moins longtemps, mais pour m’y activer beaucoup plus intensément parce que la nouvelle mouture de Facebook est plus conviviale que la précédente.

Je risque cependant de passer la majeure partie de mon temps alloué aux réseaux sociaux sur Twitter désormais. LinkedIn est loin de m’avoir captivé autant. Pour combien de temps serai-je accroché, je l’ignore totalement parce que les choses bougent assez vite dans cet univers parallèle.

Twits contagieux

Le malheur à propos de Twitter, disais-je, est relié justement aux risques de dépendance beaucoup plus élevés qu’avec les autres réseaux sociaux, comme l’admet lui-même l’un de ses plus populaires adeptes. Pour écrire un article sur Twitter, c’est particulièrement inefficace parce que chaque fois qu’on va y vérifier quelque chose, on s’y attarde beaucoup plus que pour les besoins de la chose.

Et en même temps, tout le temps que j’y ai consacré va vous donner un meilleur aperçu du phénomène qui, même circonscrit à de 1 à 3 millions d’utilisateurs réguliers selon des évaluations divergentes, n’en demeure pas moins remarquable. On en comptait à peine 50 000 il y a un an et demi.

La boule de neige a commencé à grossir le 9 mars 2007 à Austin au Texas lors de la South by Southwest music and digital conference où la plate-forme s’est mérité le « Web award ». Des articles ont suivi dans les semaines suivantes dans le Wall Street Journal et Business Week.

Tout le monde se pose maintenant la question à savoir si la croissance des utilisateurs, multipliée par au moins dix en un an, va se poursuivre encore longtemps. Peu importe l’ampleur que prendra la chose, TechCrunch a donné son verdict récemment et couronné Twitter vainqueur dans la catégorie du micro-blogging. Business Week s’est penché à nouveau sur le cas Twitter pour expliquer sa pertinence en affaires et Fortune a produit un article pour les nuls sur le même sujet.

À coup de sentences senties de préférence

Même si la plate-forme ne fait pas l’unanimité (les critiques les plus fréquentes ayant trait à sa futilité), son principal avantage est sa simplicité et la vitesse d’appropriation qui en découle. Conçu au départ comme une application de messages textes entre téléphones mobiles, les envois sur Twitter, limités à 140 caractères, contraignent leurs auteurs à la concision et à la clarté. Contrairement aux messages textes transmis d’une personne à une autre personne, les twits (traduction de tweet que je dois à mon amie Michelle Blanc) sont expédiés à tous ceux qui ont demandé à les voir.

Twitter a été modifié à la fin de 2007 pour inclure la possibilité de s’y brancher à partir d’un ordinateur. Les inscriptions ont alors bondi et les contenus été considérablement enrichis.

Par appareil mobile, les gens sont naturellement portés à échanger à propos de leurs allées et venues agrémentées de leur menu au restaurant ou de leurs rencontres impromptues dans leur 5 à 7 favori, ce que les critiques du canal lui reprochent en affirmant qu’ils n’en ont rien à cirer. D’ailleurs, Twitter nous y incite en affichant, dans la fenêtre prévue pour entrer son message, la question : « Que faites-vous en ce moment ? »

Avec un ordinateur, Twitter a pris davantage le tournant professionnel qu’on lui connaît maintenant. Les twits (oubliez les plaisanteries faciles auquel fait songer le mot au Québec pour comprendre le reste de cette phrase) favorisent le partage de connaissances et la dissémination rapide de l’information (d’autant plus que l’on tape au moins cinq fois plus vite avec un clavier d’ordi qu’avec un clavier de mobile). Les liens d’URL sont échangés facilement en les réduisant à leur plus simple expression avec des outils comme TinyURL ou Snipurl. Les blogueurs s’en servent pour informer instantanément leur auditoire de la parution de leurs derniers billets ou pour souligner les meilleurs articles de leurs confrères, ce qui est toujours bien vu lorsqu’on ne tombe pas dans la flagornerie.

Plusieurs tremblements de terre, y compris celui du Sichuan en Chine, ont été rapportés dans Twitter avant même que les services d’information n’en parlent. Les journalistes apprennent vite et, selon un twitt récent de Philippe Martin, ceux du Chicago Tribune ont créé en fin de semaine dernière le compte GustavReporter pour informer les abonnés de Twitter au sujet de l’évolution de l’ouragan Gustav.

Premiers pas en affaires

La circulation de l’information est optimisée sur Twitter parce que, contrairement à Facebook, on peut y suivre les activités des gens sans qu’ils n’aient un mot à dire, à moins qu’ils en bloquent l’accès pour autoriser seulement ceux qui les intéressent, ce que peu d’abonnés font. On n’a qu’à cliquer sur « follow » en bas du nom de l’abonné ou du service d’information (les joueurs majeurs en anglais (Business Week, The Economist, Financial Times) sont presque tous là) et l’on va recevoir dans sa page tous les twitts des gens qui nous intéressent. Certains vont vous retourner la pareille et s’intéresser à ce que nous avons à dire à notre tour.

Twitter a rallié depuis un an l’ensemble des évangélistes du Web 2.0 en commençant par Tim O’Reily et John Batelle qui ont été suivis par la plupart des membres de cette tribu à peu d’exceptions près. O’Reily, qui n’écrit pas beaucoup ailleurs comme Batelle, y est très actif. J’ai fait l’exercice en vérifiant qui, des individus et des sociétés citées dans ce blogue depuis ses débuts ou faisant partie de ma longue blogoliste ci-contre, avait établi une présence dans Twitter. Et j’ai dû constater que les deux tiers sont présents.

C’est tout à fait normal dans le domaine. Mais le virus a rejoint aussi des activités moins éthérées. On faisait mention ici de Bin Ends, un détaillant de vins du Massachusetts qui a informé ses clients proches ou lointains (il livre où la loi le permet) de la tenue d’une séance de dégustation en ligne. Environ 200 personnes y ont assisté et 10% d’entre eux ont commandé un des vins commentés par les goûteurs.

Plusieurs articles ont été écrits sur Twitter par les blogueurs les plus influents en matière de marketing sur les médias sociaux. Chez-nous, Michelle Blanc s’intéresse au phénomène depuis environ six mois et en a fait un tour d’horizon récemment où elle recensait un grand nombre d’entreprises déjà impliquées. Chris Brogan a produit récemment 50 idées à propos de Twitter en affaires où les 40 premières rassemblent les étapes à suivre et les aspects négatifs et les 10 dernières les bénéfices qu’on peut en tirer.

Une des principales applications qui a fait ses preuves est la surveillance de ce que l’on dit sur son entreprise dans ce canal. H&R Block et Dell, avec son compte @direct2dell, ont démontré une bonne maîtrise de cette capacité en matière de fidélisation de la clientèle. Aussitôt qu’un client signale un problème, il est cerné et confié à l’un des twitteurs affectés par Dell à cette tâche.

Même si l’utilisation de Twitter en politique par Obama n’a pas fait que des étincelles, son exemple a fait des émules en France, beaucoup plus réceptive aux vertus des médias sociaux que le Québec, au point de se mériter la une de Libération. Twitter a de l’avenir, c’est évident, dans les OSBL et les organismes socio-professionnels. Je doute cependant que sa croissance en fasse un réseau aussi populaire que Facebook avec ses 100 millions d’utilisateurs à travers le monde. Si la chose lui arrive, un autre réseau social s’imposera pour des raisons professionnelles parce que le niveau de bruit ambiant sera devenu trop grand à ce moment-là..

Note : En passant, il y a des recettes pour arriver à tout faire en même temps. Forbes et Direction Informatique viennent d’en publier des versions qui se ressemblent. Pour plonger dans Twitter en minimisant les dommages, je vous réfère aux conseils de Shell Israel aux néophytes et à la discussion sur un blogue très respectable au sujet du bruit dans Twitter d’où il ressort qu’il faut faire avec.

Bulle 2.0

Mai 9, 2008

Note : Cet article est paru d’abord le 22 avril sur le blogue de Michelle Blanc qui m’avait accueilli gracieusement parmi ses collaborateurs en attendant que je me décide à plonger.

Grâce à Philippe Martin qui scrute quotidiennement, j’imagine, la meilleure source de rumeurs et de cancans de la Silicon Valley, Valleywag,  j’obtiens une réponse à une question qui me taraudait depuis que j’avais lu le dernier numéro de Fast Company.  Je voulais en savoir plus sur cette nouvelle société, Ning, qui, selon le magazine, faisait l’objet d’un bouche-à-oreille favorable dans la Silicon Valley.

Plusieurs indices donnaient à penser que quelque chose clochait. La jeune chef de l’exploitation de Ning est trop belle pour être vraie et son président du conseil, nul autre que le fondateur de Netscape Marc Andreessen, ambitionne de flairer la bonne affaire qu’il pourra revendre au bon moment encore une fois. En cela, il essaie tout simplement de fouler les traces de son mentor, Jim Clark, qui avait fondé Silicon Graphics avant de le convaincre de démarrer Netscape.

Valleywag dénonce avec aplomb l’emballage qui ressemble trop à un pitch de vente. Sur la base des simples mathématiques appliquées, il n’existe pas, comme le prétendent Andreessen et ses investisseurs, de croissance quotidienne soutenable au même rythme indéfiniment. Inévitablement, la croissance ralentit passé un certain seuil. C’est déjà le cas pour Facebook. Nous ne sommes pas dans le domaine des mathématiques abstraites, mais bien sur le plancher des vaches en ce sens que les utilisateurs individuels de Ning ne pourront jamais dépasser le nombre d’humains sur la planète. Même en tenant compte qu’ils peuvent joindre plusieurs communautés à la fois, il y a quand même une limite au nombre total d’entre elles qu’ils pourront fréquenter un tant soit peu.

La Silicon Valley semble encore une fois victime d’inflation verbale, un principe inscrit dans son écosystème avec l’injection de capital de risque qui par essence doit toujours flairer les croissances exponentielles. Les investisseurs lorgnent tellement la stratosphère qu’ils finissent inévitablement par perdre le sens des réalités. Même les meilleurs se sont faits avoir avant l’éclatement de la bulle Internet en mars 2000. Ils avaient tous dans leur portfolio un ou deux pets.com.

Je ne serai pas le premier à avoir souligné les ressemblances entre ce qui se produit présentement et l’effervescence qui a précédé l’écrasement du web 1.0. À la différence que cette fois-ci, le capital de risque n’aura pas eu le temps d’accompagner ses poulains jusqu’à l’appel à l’épargne publique. Après avoir fait ce constat avec l’histoire qui précède, j’ai fait une recherche sur les mots clés «Bubble 2.0» et ça a donné ceci.

Ning a tout de l’arnaque à prime abord. Cela ressemble aux nombreux réseaux de vente pyramidale qui tentent ces temps-ci d’arrimer leurs méthodes de recrutement avec la viralité des réseaux sociaux. En lisant les commentaires à la suite de l’article de Valleywag (dont certains peu élogieux pour la jeune CEO), on apprend que Ning a déçu les amateurs de réseaux sociaux les plus exigeants tout en étant adopté par d’autres qui ne lui demandent pas la lune.

Il n’est pas dit que Ning va se planter nécessairement. Cette aventure est appuyée par suffisamment de fonds pour être capable de trouver son marché s’il existe. Cela pourrait marcher même si les amateurs éclairés n’aiment pas son code. Après tout, ce ne serait pas la première fois qu’une technologie inélégante s’impose avec un bon marketing. La une de Fast Company n’est pas à dédaigner. Combien de gens en dehors de la baie de San Francisco vont accorder de l’importance à ce que Valleywag écrit ?

Par contre, il faut aussi garder en tête qu’il y a une limite au nombre de réseaux sociaux que les Internautes moyens vont vouloir adopter. Pour en conserver certains, il va bien falloir qu’ils en délaissent d’autres. Comme la scène commence à être fort occupée, il est clair que les aspirants joueurs devront offrir une valeur ajoutée indéniable pour se hisser aux premiers rangs.

Les professionnels du marketing interactif sur les réseaux sociaux doivent prendre garde de s’associer à l’exubérane autour du phénomène. Il y a bien assez de retombées évidentes pour qu’ils n’aient pas besoin d’en jeter plein la vue à la suite des spéculateurs de notoriété.

Présence d’Obama sur le web : un parcours quasi sans faute

Mai 9, 2008

Note : Cet article est paru d’abord le 15 avril sur le blogue de Michelle Blanc qui m’avait accueilli gracieusement parmi ses collaborateurs en attendant que je me décide à plonger.

J’aurais aimé être à Londres cette semaine pour assister à Politics : Web 2.0 à la session donnée par Micah Sifry, co-fondateur du blogue TechPresident.com, histoire de compléter mon tour d’horizon et de vérifier si on dresse le même constat. J’en aurais sûrement appris encore un peu plus même si je suis déjà estomaqué par l’ampleur des réalisations sur Internet du camp Obama.

Peu importe que Barack Obama perde ou non en Pensylvanie mardi prochain ou même à la convention démocrate au mois d’août (on se demande bien comment les Clinton pourraient réussir un truc pareil avec l’avance qu’aura vraisemblablement maintenue Obama malgré tout dans les dernières primaires), sa campagne a si bien conjugué l’impact d’Internet en réseautage des troupes et leur autonomie sur le terrain qu’il a d’ores et déjà transformé complètement le paysage politique américain. Les média d’affaires en font d’ailleurs déjà un modèle à suivre.

Les organisateurs d’Obama ont d’abord tout fait pour ne pas attirer l’attention sur leur stratégie de mobilisation sur Internet. Ils voulaient poursuivre sur la lancée des succès d’Howard Dean, du moins en financement, mais sans être associés à son échec contre John Kerry en 2004. Lorsque les fonds collectés ont commencé à grimper à l’automne et surtout franchi des sommets jamais vus en janvier, tout le monde a compris qu’il y avait anguille sous roche. Les blogues spécialisés et les magazines d’affaires les plus en vue ont interrogé les experts d’Obama qui, obligés d’expliquer leur succès, ont accepté de lever le voile sur leur stratégie web.

Sachant qu’il était pratiquement impossible, même pour John McCain, de répliquer la même machine et de la contrecarrer d’ici les élections de novembre, ils se sont prêtés de bonne grâce à l’exercice et n’ont pas été avares de leurs réponses. Obama lui-même s’est laissé aller, lors d’une petite réunion, à expliquer les mérites du web dans la victoire en Idaho notamment lors du super mardi.

Si McCain gagne en novembre, c’est qu’il aura mieux manœuvré avec les média de masse dont la télévision demeure tout de même encore la source la plus importante pour rejoindre l’ensemble de la population. Sur Internet, le média prédominant pour atteindre les jeunes en bas de 30 ans, Obama aura dominé de loin de telle sorte qu’il aura pu profiter de cet avantage pour se donner les moyens d’égaler et même de déclasser ses adversaires en publicité payée dans les autres média.

Les fonds collectés ont atteint 32 millions $ en janvier, un précédent dans l’histoire des élections américaines. L’exploit aura été d’y parvenir en étant le candidat le moins privilégié au départ par l’establishment du parti démocrate et ses bailleurs de fonds les plus importants. 90% du montant total provenant de 275 000 dons de 100 $ et moins, certains ont vu dans ces résultats une bonne illustration du phénomène de la longue traîne popularisée par Chris Anderson dans Wired.

Après avoir vu la barre monter à 40 millions $ en mars, des partisans d’Obama, enhardis par leur succès, ont décidé d’organiser une collecte de 1 milion en 1 minute le 21 avril à 13 heures. Pour réaliser ce coup théâtral, ils ont d’ailleurs recouru à un logiciel québécois, CakeMail, choisi pour sa facilité d’utilisation et sa flexibilité.

L’ampleur du succès a certainement étonné l’organisation même d’Obama qui songe maintenant à conserver sa méthode de financement populaire au lieu de faire appel aux fonds publics pour les élections présidentielles, comme l’ont fait tous les candidats des deux grands partis depuis la réforme de la loi au milieu des années 1970 dans la foulée du scandale Watergate. En acceptant les fonds publics d’environ 85 millions $, il devrait retourner les fonds en trop déjà collectés.

Cette histoire est montée en épingle maintenant par McCain qui semble peu embarrassé de passer pour l’underdog en réclamant que la règle en vigueur soit respectée. C’est rien de moins que le monde à l’envers quand le parti de la haute finance mord la poussière à ce point face aux goussets des plus humbles.

La campagne d’Obama a donné des résultats tout aussi spectaculaires sur MySpace où, au dernier décompte établi par CNN, ses 161 000 amis déclassent les 43 000 de Clinton et les 21 000 de McCain. Sur Facebook, son groupe le plus important réunit 320 000 membres alors que celui de Clinton en a seulement 5 300. Il est vrai que les organisateurs de la sénatrice ont eu peur de cette plate-forme où l’enthousiasme des partisans d’Obama a donné lieu à des débats enflammés dès le début de la campagne.

Ces manifestations constituent la partie visible de la présence d’Obama sur le web. Les outils internes qui la supportent font penser à Bill Ives, un spécialiste de la gestion du savoir dans les entreprises, que la stratégie Internet du camp Obama recoupe celle qu’on préconise généralement avec le concept de l’Entreprise 2.0.

Cette orientation, apprend-t-on dans un reportage magistral de Rolling Stone, résulte du souci des organisateurs d’éviter que les succès en financement restent sans suite sur le terrain comme cela s’était produit pour Dean en 2004. On a voulu reproduire chez les militants le sens de l’organisation auquel s’est initié Obama en devenant travailleur communautaire à Chicago en 1985.

Lors des premières assemblées tenues un peu partout aux Etats-Unis au début de 2007, les participants obtenaient leur ticket d’entrée contre leur adresse électronique, leur code postal et leur numéro de téléphone. On a ensuite invité à Chicago les 7 000 plus motivés d’entre eux à participer à leurs frais au Camp Obama où ils ont été formés notamment par Mike Kruglik, celui-là même qui avait pris en charge le jeune Obama.

Pour soutenir leur enthousiasme et celui de tous ceux qui voulaient s’impliquer sans avoir assisté au camp, on s’est munis à l’interne des outils utiles pour stimuler la participation d’un maximum de partisans. Afin de suivre le flot des échanges, le logiciel de gestion des relations clients RightNow a été implanté dès le début.

Un outil développé avec RightNow, baptisé Invite Barack System, permet de gérer plus facilement le flot des invitations que reçoit le candidat pour participer à des événements. Un autre constitue une foire aux questions dynamique qui compile les réponses les plus populaires.

Cette fonctionnalité répond au principe de base de l’organisation voulant que les initiatives doivent monter du bas vers le haut. Répondant à une croyance profonde d’Obama à l’effet que les gens sont plus efficaces quand ils sont autonomes et qu’on leur fait confiance, ce principe a aussi l’avantage de coïncider avec la mentalité privilégiée par les réseaux sociaux.

Pour faciliter leur campagne de terrain, les militants de Californie ont par ailleurs mis en place pour leur part le logiciel de collaboration Central Desktop qui a été repris par l’organisation centrale au profit des primaires suivantes comme celle du Texas. Ils en ont tiré, entre autres, un outil pour les directeurs de bureau de scrutin qui y retrouvent toutes les opérations à mener pour accomplir leur tâche dans les règles de l’art, y compris les numéros de téléphone des militants de leur district pour les seconder au besoin.

« Comme Central Desktop garde une trace des actions et des intrants des gens qui participent, la campagne d’Obama dispose de données web analytiques pour faire ressortir les mots clés les plus populaires, les questions les plus souvent posées, etc., dans chaque région afin de mieux comprendre les sujets qui touchent les gens au niveau local. Cela permet de mieux cibler la publicité et procure une source supplémentaire pour identifier les préoccupations importantes des électeurs, » observe M. Ives.

Simon Rosenberg, président du groupe de réflexion NDN, a affirmé pour sa part à Rolling Stone : « Ils ont marié une communauté virtuelle d’une puissance incroyable avec les opérations concrètes de l’action politique sur le terrain. Nous n’avons jamais vu rien de semblable auparavant dans l’histoire politique américaine. »

Une autre initiative majeure a été la mise en place du réseau social interne MyBarackObama.com avec l’aide de l’un des cofondateurs de Facebook, Chris Hugues. Affectueusement rebaptisé MyBo par les militants, cette plateforme privée en accueille plus d’un demi million répartis dans 8 000 groupes d’affinités regroupés par état, par profession ou simplement par goût comme les Soul Music Lovers for Obama.

Parmi les à-côtés, les partisans d’Obama ont appliqué à la lettre une règle du Web 2.0 voulant qu’on sorte de sa coquille pour travailler avec d’autres groupes. Des groupes de militants se sont organisés sur meetup.com et le réseau social MoveOn.org, mis sur pied à l’origine pour s’opposer à la tentative de destitution de Bill Clinton comme président, a pris partie ironiquement pour Obama. Attirés par un trafic important sur MyBo en provenance d’une même direction, les organisateurs ont établi un lien avec son point de départ, le réseau social de la communauté noire blackplanet.com où les amis de Barack Obama sont maintenant un demi million.

Dans son article dans TechPresident.com sur la supériorité en tous points d’Obama sur le web, Sifry assène le coup final en mentionnant qu’Obama compte plusieurs blogueurs émérites dans ses rangs : Danah Boyd, Larry Lessig, David Weinberger, Dave Winer, Ross Mayfield de Socialtext et Michael Arrington de TechCrunch parmi ceux dont il se souvient. Il ne connaît qu’un seul blogueur respecté, Jeff Jarvis, qui ait pris partie pour Hillary.

Dans un article de BusinessWeek déclarant Obama le gagnant indubitable sur Internet, on souligne qu’Obama a sollicité à partir de son compte LinkedIn peu avant le super mardi les avis des dirigeants de PME à propos des meilleures initiatives qu’il pourrait prendre en leur faveur en tant que président. Il reçut environ 1 500 réponses en une semaine.

Pour les mêmes raisons et d’autres, le magazine Fast Company écrit dans son dossier du mois d’avril, The Brand Called Obama, « que la promotion de la marque Obama constitue une étude de cas exemplaire de la direction prise par le marché américain et potentiellement par le marché global également. Son ouverture face à la façon dont les consommateurs communiquent entre eux aujourd’hui, sa reconnaissance de leur attrait pour des « produits » authentiques et sa compréhension de la nécessité de projeter une nouvelle image globale sont tous des signes encourageants pour les professionnels du marketing partout dans le monde. »

Rishad Tobaccowala, chef de la direction de l’innovation chez Publicis, affirme dans une entrevue au magazine Fortune qu’il se sert dèjà du cas Obama avec ses clients. Il leur demande de penser à Hillary comme le leader du marché avec le nom le plus connu alors qu’Obama est le nouveau joueur avec à peu près pas de notoriété au début. Il leur rappelle leurs approches différentes, contrôle centralisé vs autonomie du terrain, et leurs traitements différents des média. Invités à situer leur entreprise par rapport aux deux stratégies employées, la plupart admettent qu’elle suit davantage le modèle d’Hillary, ce qui les amène à réfléchir sérieusement sur leurs chances de succès dans un environnement comme le web où les consommateurs mènent le bal désormais.

En guise d’épilogue, je vous réfère à deux vidéo en spécifiant que certains ont vanté la stratégie du camp Clinton sur ce plan à partir de l’annonce par Hillary de sa candidature lors d’une apparition vidéo sur Internet et de son concours pour trouver la chanson de la campagne, promu par une parodie des Sopranos où Bill figurait, qui a connu beaucoup de succès. Produit par le rappeur will.i.am du groupe The Black Eyed Peas avec des vedettes connues des jeunes, le premier a été endossé par le camp Obama, sûrement trop heureux de dénicher une initiative spontanée à son goût pour l’opposer à celle d’Obama Girl. Le second a de toute évidence été conçu par les organisateurs de Clinton et interprété par des comédiens professionnels qui n’ont pas l’air d’y croire.