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Bulle 2.0

Mai 9, 2008

Note : Cet article est paru d’abord le 22 avril sur le blogue de Michelle Blanc qui m’avait accueilli gracieusement parmi ses collaborateurs en attendant que je me décide à plonger.

Grâce à Philippe Martin qui scrute quotidiennement, j’imagine, la meilleure source de rumeurs et de cancans de la Silicon Valley, Valleywag,  j’obtiens une réponse à une question qui me taraudait depuis que j’avais lu le dernier numéro de Fast Company.  Je voulais en savoir plus sur cette nouvelle société, Ning, qui, selon le magazine, faisait l’objet d’un bouche-à-oreille favorable dans la Silicon Valley.

Plusieurs indices donnaient à penser que quelque chose clochait. La jeune chef de l’exploitation de Ning est trop belle pour être vraie et son président du conseil, nul autre que le fondateur de Netscape Marc Andreessen, ambitionne de flairer la bonne affaire qu’il pourra revendre au bon moment encore une fois. En cela, il essaie tout simplement de fouler les traces de son mentor, Jim Clark, qui avait fondé Silicon Graphics avant de le convaincre de démarrer Netscape.

Valleywag dénonce avec aplomb l’emballage qui ressemble trop à un pitch de vente. Sur la base des simples mathématiques appliquées, il n’existe pas, comme le prétendent Andreessen et ses investisseurs, de croissance quotidienne soutenable au même rythme indéfiniment. Inévitablement, la croissance ralentit passé un certain seuil. C’est déjà le cas pour Facebook. Nous ne sommes pas dans le domaine des mathématiques abstraites, mais bien sur le plancher des vaches en ce sens que les utilisateurs individuels de Ning ne pourront jamais dépasser le nombre d’humains sur la planète. Même en tenant compte qu’ils peuvent joindre plusieurs communautés à la fois, il y a quand même une limite au nombre total d’entre elles qu’ils pourront fréquenter un tant soit peu.

La Silicon Valley semble encore une fois victime d’inflation verbale, un principe inscrit dans son écosystème avec l’injection de capital de risque qui par essence doit toujours flairer les croissances exponentielles. Les investisseurs lorgnent tellement la stratosphère qu’ils finissent inévitablement par perdre le sens des réalités. Même les meilleurs se sont faits avoir avant l’éclatement de la bulle Internet en mars 2000. Ils avaient tous dans leur portfolio un ou deux pets.com.

Je ne serai pas le premier à avoir souligné les ressemblances entre ce qui se produit présentement et l’effervescence qui a précédé l’écrasement du web 1.0. À la différence que cette fois-ci, le capital de risque n’aura pas eu le temps d’accompagner ses poulains jusqu’à l’appel à l’épargne publique. Après avoir fait ce constat avec l’histoire qui précède, j’ai fait une recherche sur les mots clés «Bubble 2.0» et ça a donné ceci.

Ning a tout de l’arnaque à prime abord. Cela ressemble aux nombreux réseaux de vente pyramidale qui tentent ces temps-ci d’arrimer leurs méthodes de recrutement avec la viralité des réseaux sociaux. En lisant les commentaires à la suite de l’article de Valleywag (dont certains peu élogieux pour la jeune CEO), on apprend que Ning a déçu les amateurs de réseaux sociaux les plus exigeants tout en étant adopté par d’autres qui ne lui demandent pas la lune.

Il n’est pas dit que Ning va se planter nécessairement. Cette aventure est appuyée par suffisamment de fonds pour être capable de trouver son marché s’il existe. Cela pourrait marcher même si les amateurs éclairés n’aiment pas son code. Après tout, ce ne serait pas la première fois qu’une technologie inélégante s’impose avec un bon marketing. La une de Fast Company n’est pas à dédaigner. Combien de gens en dehors de la baie de San Francisco vont accorder de l’importance à ce que Valleywag écrit ?

Par contre, il faut aussi garder en tête qu’il y a une limite au nombre de réseaux sociaux que les Internautes moyens vont vouloir adopter. Pour en conserver certains, il va bien falloir qu’ils en délaissent d’autres. Comme la scène commence à être fort occupée, il est clair que les aspirants joueurs devront offrir une valeur ajoutée indéniable pour se hisser aux premiers rangs.

Les professionnels du marketing interactif sur les réseaux sociaux doivent prendre garde de s’associer à l’exubérane autour du phénomène. Il y a bien assez de retombées évidentes pour qu’ils n’aient pas besoin d’en jeter plein la vue à la suite des spéculateurs de notoriété.